Dan avait 16 ans quand il est mort

Dan avait 16 ans quand il est mort

Fiona et Tim Spargo-Mabbs racontent la mort de leur fils Dan, à la suite d’une prise fatale de MDMA.

Dan avait 16 ans quand il est mort, lundi 20 janvier 2014 en prenant de la MDMA.

Dan c’était la dernière personne qu’on aurait pu imaginer finir mal à cause de la drogue.

Il ne correspondait à aucun des stéréotypes des gens qui meurent d’une overdose. Bon, en réalité, il ne savait pas qu’il prenait une dose beaucoup trop forte. Le but, c’était juste de s’amuser.

Dan était drôle, doux, intelligent ; il n’arrêtait pas de parler.

Il était vraiment populaire. Il pouvait devenir ami avec à peu près n’importe qui. Il avait une petite amie, Jenna, depuis plus de deux ans, quand il est mort.

Dan avait un cœur énorme.

Dan était entré en première. Il se débrouillait vraiment bien, il travaillait sérieusement.

Il venait de participer au spectacle de fin d’année de son école – il adorait le théâtre, la guitare, il était aussi dans un groupe de musique.

C’était un vendredi, en janvier, et il a demandé s’il pouvait aller à une fête ce soir-là avec des amis.

Il y avait quelques trucs inhabituels quand il a demandé – la fête était plus éloignée de notre domicile que la plupart des fêtes auxquelles il allait d’habitude, ça allait finir très tard, mais voilà, il avait monté toute une histoire autour de cette fête, qu’un ami d’ami était un peu déprimé et qu’il fallait aller le voir, et puis ça avait l’air important, et ils devaient se rendre là-bas en groupe, à quinze.

J’avais un mauvais pressentiment, mais pas suffisamment fort. Dan avait senti ma réticence parce qu’il a dit « allez maman, tu sais que je ne sors pas souvent, tu sais que je suis raisonnable et responsable » – ce qui était vrai.

Mais il ne l’a pas été cette fois-ci. Ce n’était pas une fête mais une rave party illégale, et c’était à des kilomètres de là où on vivait. Les jeunes avaient prévu de consommer de la MDMA.

Malheureusement, Dan s’est joint au mouvement.

On n’avait jamais entendu parler de MDMA. L’ecstasy oui, mais la MDMA, jamais.

Ils ont fait une cagnotte avec leur argent – pour Dan c’était l’argent de ses tournées de distribution du journal, et d’un job de jardinage qu’il avait fait pour une femme âgée de notre église.

L’un des garçons a appelé son dealer, a arrangé la vente, est parti avec deux amis récupérer le paquet, puis est revenu le partager.

Cinq sachets de cristaux blancs et cinq garçons à en prendre.

Apparemment, ça se dissout dans de l’eau, donc les quatre autres garçons ont siroté les leurs tout au long du trajet, ce qui a dû prendre trois ou quatre heures.

L’ami de Dan, qui s’appelle Jack, nous a dit qu’il a vu Dan regarder les autres garçons – regarder si tout se passait bien peut-être ? – avant de prendre sa dose.

Il avait remarqué que Dan était un peu hésitant et prudent ; Jack voulait lui dire « Ecoute Dan, si tu n’as pas envie d’en prendre tu n’es pas obligé ».

Puis les autres garçons avaient l’air bien – avec tout ce que provoque l’ecstasy – ils étaient hyper heureux, comme s’ils aimaient tout le monde, comme si tout le monde les aimait, tout ce que l’amphétamine peut provoquer comme sensation.

Dan a donc pris sa dose.

Ce que personne n’aurait pu savoir, parce qu’on ne peut jamais savoir avec de la drogue illégale, c’est que le petit sac que Dan avait pris, contenait une dose 12 fois plus fortes que ce qui avait tué des gens dans le passé.

Au début tout allait bien, il dansait, racontait combien il aimait sa famille, combien il aimait Jenna, comment il allait l’épouser.

Puis, Jack s’est rendu compte qu’il ne l’avait pas vu depuis un bon moment, et il commençait à se faire du souci.

Il est parti le chercher, mais quand il l’a trouvé, Dan était dehors et déjà inconscient.

Quelqu’un a appelé une ambulance et on l’a envoyé en urgence à l’hôpital.

A la maison, je commençais vraiment à paniquer. Il n’était pas de retour, il était vraiment tard, son portable ne répondait pas, je n’avais pas les numéros de ses amis, je ne savais que faire.

Puis, j’ai entendu sonner à la porte, je pensais que ça devait être Dan et je suis descendue en courant.

Mais c’était un policier, il m’a dit “Etes-vous les parents de Daniel Spargo-Mabbs ?”. Le cauchemar de chaque parent.

Quand on est arrivé à l’hôpital, on voulait juste savoir ce qui se passait, on voulait juste voir Dan.

Puis la police est arrivée. Ils avaient le portable de Dan. Ils voulaient savoir qui d’autre était à la fête, qui d’autre avait pris de la drogue – parce qu’il fallait qu’ils aillent à l’hôpital se faire soigner aussi. Si c’était un lot de drogue suspect, il fallait qu’ils émettent un avertissement.

On a enfin pu voir quelqu’un ; il nous a dit que les organes de Dan étaient en train de lâcher. J’étais déjà en état de panique et je savais que c’était grave, mais c’est à ce moment-là que je me suis vraiment dit « Mon Dieu, ça pourrait vraiment être la fin pour Dan ».

Ils ont réussi à le maintenir en vie avec des machines pendant deux jours – il y avait des écrans et des câbles partout, des tubes, un ventilateur pour lui permettre de respirer.

Ils devaient opérer ses jambes, ils ont parlé plusieurs fois de l’amputer.

Ils ont dû le déplacer dans une unité de soins spécialisée. Ils ne savaient pas si Dan survivrait au transfert.

On a passé deux jours à le regarder mourir, avec des moments d’espoir, puis de désespoir. Tant que je pouvais je n’arrêtais pas de lui parler, juste pour qu’il puisse entendre ma voix.

Il n’a jamais repris conscience, mais vous savez parfois on dit que des gens dans le coma reviennent, parce qu’ils ont entendu quelqu’un leur parler. Voilà, je pensais qu’il avait seulement besoin d’entendre ma voix.

Lundi matin, on nous a expliqué qu’une trop grande partie de lui était déjà morte. La mort s’était propagée depuis ses doigts de pieds jusqu’à ses mains.

Ils n’avaient plus d’autre choix que de débrancher les machines qui le maintenaient en vie.

Dan est mort le 20 janvier 2014. Il avait seize ans.

Plus tard, nous avons découvert qu’il n’avait pas vraiment envie d’aller à cette rave ce soir-là ; ça c’était vraiment dur. Nous avons aussi découvert que c’était la troisième fois qu’il avait pris de la MDMA. La seconde fois, il a eu une mauvaise expérience, qui l’avait vraiment secoué.

C’était seulement 6 mois après sa mort, que nous avons découvert tout cela, quand la police nous a rendu son portable.

On a vu des messages sur son téléphone d’une amie à lui, qui dataient de quelques mois auparavant, dans lesquels elle lui expliquait à quel point c’était génial comme sensation, qu’il fallait absolument qu’il essaye.

Au départ, il lui disait de faire attention, puis quelques temps après, elle lui a donné un peu d’une dose à elle, et puis quelques semaines plus tard encore, elle en a acheté à son dealer pour Dan.

L’expérience s’est mal passée, pour lui comme pour elle, et sa réaction au produit tout comme sa propre réaction a pas mal perturbé Dan.

Je n’étais pas du tout au courant de tout ça.

Quand dans les messages, on en arrive à la nuit de la rave, il invente des excuses pendant près de 40 minutes pour ne pas y aller, mais son amie insiste et insiste.

Bien sûr, il était parfaitement capable de dire non, et elle n’avait aucune intention que quelque chose de mal lui arrive. Mais tout aurait pu être tellement différent, s’il était resté à la maison comme il le voulait au départ.

La police a arrêté deux hommes pour vente. Six mois plus tard, il y a eu le procès. Ça, c’était vraiment dur.

Jusqu’à une semaine avant le procès, la charge d’accusation était l’homicide, puis ça a été abandonné au profit de la vente de drogue de classe A.

Le premier jour, un des deux a plaidé coupable, l’autre non coupable.

Assister à un procès en tant que personne, victime de crime est très difficile. Bien que l’accusation portât sur la vente et non l’homicide, tout le procès tournait autour du fait que Dan était mort.

Tout le monde est en train de parler de ton fils qui est mort, des évènements conduisant à sa mort, de ce qui s’est passé cette nuit, comme si tu n’étais pas là dans la salle, tu ne peux rien à dire.

Et tu dois t’asseoir à côté de la famille et des amis de l’accusé. On ne leur voulait pas de mal, ni eux envers nous, mais c’était une atmosphère vraiment perturbante.

Le plus dur, c’était d’écouter l’accusé appelé à témoigner. Pour lui, c’était comme un jeu.

Il essayait d’envoyer des piques au procureur, et ses proches trouvaient tout ça très drôle. Ils ont oublié qu’assise derrière eux, était la famille du garçon qui était mort.

Puis, il a été jugé non coupable. C’était clair pour tout le monde qu’il était coupable, mais la police avait fait une erreur au moment de l’enquête et de la collecte de preuves ADN, et le jury ne pouvait pas être sûr à 100%.

Avant le verdict, j’avais dit à nos proches que quel que soit le jugement on ne réagirait pas. S’il était condamné et que l’on montrait de la joie ce n’était pas juste vis-à-vis de la famille de l’accusé. Si le verdict était non coupable et que nous montrions de la colère ce n’était pas juste non plus. Nous pouvions garder nos réactions pour plus tard.

Sa famille et ses amis n’avaient pas eu ce genre de conversation par contre, et quand le verdict non coupable a été lu à voix haute, ils étaient en train de faire la fête. Ils avaient juste oublié que derrière eux étaient assis les proches du garçon qui était mort.

Ça n’aurait évidemment pas ramené Dan. Mais c’était dur.

Puis, il y a eu le jugement. J’avais décidé de lire à voix haute un témoignage.

C’était juste pour avoir un mot à dire, et expliquer que ‘ce garçon dont vous êtes en train de parler depuis le début du procès, voilà qui il était, voilà l’impact qui l’a eu dans nos vies, voilà ce que la drogue a fait à son corps, voilà ce que ça nous fait à tous de le perdre’.

Ce que je voulais aussi, c’est que l’accusé fasse le lien direct entre ses activités et leurs conséquences, pour qu’il arrête et qu’il vive une vie différente.

Il avait à peine 18 ans, il avait toute sa vie devant lui, il pouvait en faire de belles choses.

Le responsable ne peut pas nous rendre Dan. Le mieux qu’il puisse faire pour amender le rôle qu’il a joué dans la mort de Dan c’est de bien vivre, comme Dan aurait vécu.

La drogue, c’est compliqué. Il n’y a pas une personne directement responsable, mais beaucoup en partagent la responsabilité.

Les drogues illégales passent par tellement de mains qu’au moment où elles arrivent au consommateur, il est quasiment impossible – sauf à les faire tester professionnellement – de savoir ce qu’il y a dedans, ou quelles quantités il y a dedans.

De mon point de vue, chaque paire de mains par lesquelles sont passées ces drogues partagent la responsabilité de la mort de notre fils. Nous voulons aider toutes ces personnes à bien vivre leur vie, comme Dan l’aurait fait.

Les répercussions sont énormes. Nous ne serons plus jamais les mêmes. Nous vivons nos vies avec un vide, dans lequel Dan devrait exister. Jacob son frère aîné, mes parents et toute notre famille élargie.

Ça reste tellement difficile pour ses amis et sa petite amie. Il aurait eu 23 ans

A la mort de Dan, on a monté une association de prévention contre la drogue, pour s’assurer que d’autres jeunes comprennent mieux que Dan, les risques de la prise de drogues illégales, pour qu’ils fassent de bons choix. On parle à leurs parents, à leurs professeurs ; on forme les professionnels.

On a monté une pièce qui raconte son histoire avec les mots de sa famille et ses amis. Cela a été publié et joué en Grande Bretagne, en Australie et au Canada. On a aussi subventionné une tournée dans les écoles et 38 000 jeunes ont déjà vu la pièce aujourd’hui.

Nous faisons tout ce que nous pouvons, pour que la mort de Dan ait autant d’effets positifs que possible.

Pour nous, la symbolique de la graine de Sycomore est devenue très importante.

Au-dessus de la tombe de Dan, il y a un énorme Sycomore, et notre espoir c’est qu’à chaque fois que nous racontons l’histoire de Dan c’est comme une graine de Sycomore – je ne sais pas si vous voyez comment elles s’éparpillent un peu partout. Nous n’avons aucune idée où elle va atterrir, mais nous espérons de tout notre cœur, que quel que soit l’endroit de bonnes choses vont ressortir de cette tragédie.

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