Une journée particulière auprès des femmes détenues au Centre de détention de Réau

Une journée particulière auprès des femmes détenues au Centre de détention de Réau

En novembre-décembre 2023, vingt-cinq personnes détenues femmes, condamnées pour longues peines, ont bénéficié du programme Sycomore et le SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation) a exceptionnellement eu le droit d’interviewer des personnes présentes lors de la séance de restitution et de diffuser ces interviews (3mn46).
Entre autres, Christine, personne détenue incarcérée depuis neuf ans, donne son ressenti sur ce programme. Elle avait elle-même déjà participé à un programme en 2021 et a été une incroyable ambassadrice et co-animatrice du programme SYCOMORE !. Je vous laisse découvrir par vous-même quelques perles de l’impact du programme SYCOMORE qui sont partagées dans ces interviews.

 

Sycomore auprès des femmes détenues : on y croit !

Quelques rappels sur le programme SYCOMORE

Si vous avez pu prendre le temps d’écouter cette interview, vous savez déjà :
Que ces séances de restitution ont pour objectif d’amener la société civile à changer de regard sur les personnes détenues, de ne plus les voir comme des monstres, mais comme des personnes humaines.
Qu’au cours de ces six semaines en milieu carcéral, un travail est fait qui met l’accent sur la prise de conscience des torts causés et des souffrances infligées aux personnes victimes directes ou indirectes et sur la responsabilisation.

Quels étaient les défis et le contexte de ce programme à Réau en centre de détention pour femmes ?

*Reconnaissance de la gravité des faits :
En centre de détention le séjour est en moyenne de huit ans, dit de longue peine. Il n’y a que des personnes détenues ayant déjà été jugées. Du fait de la durée de l’incarcération et de la gravité des faits, le travail des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, CPIP et des psychologues ont souvent déjà permis que les auteurs d’infractions et de crime reconnaissent la gravité des faits.

*Des cas difficiles et des conflits internes entre les femmes :
Beaucoup de participantes avaient elles-mêmes été victimes de toutes sortes de violences (inceste, viol, violences conjugales, maltraitance dans l’enfance, etc…) et ont reproduit d’une manière ou d’une autre ces violences (cas plus rare il y avait une braqueuse).
Plusieurs femmes étaient en conflits ouverts entre elles avant de commencer les séances SYCOMORE, on nous a prévenu « ça peut péter à tous moments ».
Les femmes qui sont mères, se culpabilisent et ne se pardonnent pas de l’impact de leur incarcération sur la vie de leurs enfants, même si certaines ne regrettent pas leurs actes qui les ont « délivrées de leur bourreau ».

Quelques perles et ressentis des personnes ayant participé à ce programme :

*Personnes Victimes :
« Je vais mieux à chaque fois que je témoigne. C’est gagnant, gagnant … »
« Il y a un retour de sympathie très fort des personnes détenues qui m’aide à passer les moments difficiles ».

Personnes détenues (pseudonymes) :

*Coralie, co-détenue de soutien .« Le programme Sycomore fait en 2021 m’a apporté du bon, du beau et du positif. Je suis ici car j’ai eu envie de transmettre autrement. J’aimerais que ce programme devienne obligatoire en détention. C’est comme un élan, comme une envie, un gage d’espérance offerts par des bénévoles hyper bienveillants et des personnes victimes très courageuses. J’ai découvert qu’il n’y avait pas que de l’irréparable. Comment briser ce cercle de la souffrance ? Quel pas faire à titre personnel pour avancer. Il faut apprendre à se décentrer, avoir de la bienveillance pour les autres mais aussi pour nous-mêmes. UN MERCI de la taille d’un Sycomore pour Claudine. Demain, il y a autre chose et c’est vers ce demain qu’il faut aller »

*Claudia, codétenue de soutien : « La justice pénale m’a mise à nu et elle m’a habillée avec quelque chose de trop large pour moi, de sanguinaire : c’est devenu mon nouveau vêtement. Puis, j’ai découvert Sycomore. Comme ces 3 cordons : le rouge pour moi avec mes mains pleines de sang, le blanc pour la partie civile, ceux qui souffrent et le rose pour la communauté, ma famille, mes amis, ceux qui m’aiment malgré tout, essaient de me comprendre et de me pardonner. Pour que cela marche, il faut les 3 liens pour faire une belle tresse avec ces 3 liens. Cette tresse peut venir embellir mon nouveau vêtement. Sur l’étiquette que je porte, il y a écrit assassin mais au dos de cette étiquette, il y a écrit Claudia* car je suis avant tout Claudia* !

*Lina : remercie pour le dialogue, les échanges et les partages. « Nous sommes des êtres humains et non les rebuts de la société ».
Acrostiche à partir du mot Sycomore :

Sept ans d’incarcération, sept ans de réflexion et de souffrance
Y aura-t-il un avenir meilleur ? j’ose l’espérer.
Commencer à comprendre le pourquoi et le comment de mon acte.
Oser se mettre à nu devant des inconnus pour raconter, encore et encore, sa vie, son histoire.
Montrer peu à peu que l’on peut à nouveau me faire confiance, je ne suis pas un monstre !
Objectif : s’octroyer le pardon et espérer celui de la famille de ma victime et de la société.
Regretter toujours, mais avancer quand même en respectant sa mémoire.
Être là devant vous aujourd’hui m’a demandé beaucoup de courage car je suis de nature renfermée et très émotive.

*Erika : « Dans ma communauté, à 20 000 Kms d’ici, nous avons la « coutume du pardon. Il n’y a pas toi, il n’y a pas moi – sans toi, je n’existe pas. Nous apprenons à dénouer des nœuds sur une corde virtuelle. Sycomore commence à la porte de ma cellule quand les gens viennent me demander quelque chose. Je ne veux plus couler, je flotte grâce à Sycomore ».

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