Sycomore : une passion- Pourquoi ?

Sycomore : une passion- Pourquoi ?

Mon grand-père souffrant d’une blessure de la guerre 14-18 était devenu irritable et brutal ; il battait ses enfants, sa femme et sa belle-fille Lina ; le 16 novembre 1931, ma grand-mère, rongée par la peur, tire à bout portant sur son époux. Lina avait 17 ans en novembre 1931 quand cette tragédie familiale est arrivée en novembre 1931. C’est elle, que j’ai appelée au téléphone lorsque je suis arrivée à Paris en 1990, sans savoir que, ce qu’elle allait me révéler, allait changer le cours de ma vie. C’était l’année de mes 23 ans.

Comment réconcilier l’image de l’homme que Lina me décrivait, « ce monstre qui m’a fait tant de choses « avec l’image de l’homme que je ne connaissais pas et qui était mon grand-père ?
Comment aider la personne victime à se libérer de son passé, de sa haine, de ses souffrances et de son sentiment d’injustice ?

Comment rendre sa dignité à l’infracteur et le traiter avec respect ?

Lina avait beaucoup de mal à laisser le passé derrière elle, elle avait pourtant 76 ans quand nous nous sommes parlé pour la première fois. Elle ne pouvait se départir de ce « fichu accent alsacien », sa langue de cœur, sa langue maternelle, qui lui rappelait à chaque instant ce qu’elle avait enduré durant son adolescence. En l’écoutant, j’avais l’impression que son histoire était arrivée hier.

Accablée, déchirée, humiliée, Lina criait à l’injustice. Ici, le temps n’avait pas cicatrisé les blessures de sa jeunesse et la souffrance avait forgé son caractère. Les lourds nuages du passé ne s’étaient pas estompés. Pour elle, le passé n’était pas fini et le simple fait d’y penser provoquait chez elle la révolte et des cris de douleur. Elle m’a raccroché au nez et c’était la dernière fois que je l’entendrais ; je n’aurais jamais l’occasion de la rencontrer.

Lina est décédée seule le 26 décembre 2014, bloquée au sous-sol de sa vie, prisonnière d’un passé douloureux et de souffrances infligées par mon grand-père.

Le 17 décembre 1999, L’ONU a proclamé le 25 novembre comme Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes : elles auraient augmenté durant le confinement ! Les choses ont-elles vraiment changé ?
Je me suis posé beaucoup de questions lorsque j’ai découvert ce drame familial : questions auxquelles je n’aurai jamais de réponses car tous les protagonistes sont morts et les répercussions de ce crime ont impacté ma famille de plusieurs façons.

Comment faire renaitre un espoir des cendres d’une vie brisée par la violence au sein du foyer familial ?

Comment se séparer de ce profond sentiment d’injustice ?

Comment redonner à la personne victime un avenir et une espérance ?

Comment traiter l’infracteur avec dignité et respect car avant d’être un monstre, il est une personne ?

Comment passer d’un regard qui dévisage à un regard qui envisage l’autre dans son humanité comme le disait si bien Jean Cocteau ?

Quelle est ma part de responsabilité lorsque l’autre coupe tous les ponts et refuse le dialogue ?

J’ai très vite compris que pour trouver l’apaisement, j’avais besoin de donner un visage humain à ceux que la société diabolise et enferme sans donner aucun espoir. Je voulais repousser les murs de la prison, ceux dans lesquels ma grand-mère avait vécu en attendant son jugement.

Le mur de la prison ? Mur de la honte pour de nombreuses familles. Elles se le prennent en pleine figure. Je voulais que cet espace clos et hostile devienne un lieu où un visage rencontre un autre visage « A Cœur Ouvert » et où chacun touché par le crime puisse exprimer en toute confiance ses inquiétudes, ses souffrances et sa vulnérabilité sans être jugé.

Si cela vous interpelle, rejoignez-nous !

Claudine.

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